JLV59 a écrit : ↑22 sept. 2023, 19:22
Je trouve cela passionnant et bien vu, soulevant des questions sur le paradoxe temporel....
Si Mortimer ne part pas avec le chronoscaphe, comment le manuscrit enluminé peut-il parler de son aventure médiévale ?
On retrouve le même genre de problème dans une aventure de Yoko Tsuno (tome 20), que je trouve excellente et que je recommande si vous ne la connaissez pas encore :
L'astrologue de Bruges...
On va finir par croire à l'existence des "couloirs du temps" dont il est question dans le film
Les visiteurs...
Barjavel aussi soulève cette question, dans
Le voyageur imprudent : c'est le paradoxe du grand-père. Voilà ce qu'il écrit dans un post-scriptum en 1958 :
« To be and not to be
Vous avez lu le mot "FIN" il y a quelques secondes. Voilà quinze ans que je l’ai écrit. Et pourtant...
Pourtant, pour Pierre Saint-Menoux il ne saurait y avoir de fin.
Réfléchissez : il a tué son ancêtre avant que celui-ci ait eu le temps de prendre femme et d’avoir des enfants. Donc il disparaît, c’est entendu. Il n’existe pas, il n’a jamais existé. Il n’y a jamais eu de Pierre Saint-Menoux.
Bon...
Mais si Saint-Menoux n’existe pas, s’il n’a jamais existé, il n’a pas pu tuer son ancêtre ! ...
Donc son ancêtre a poursuivi normalement son destin, s’est marié, a eu des enfants, qui ont eu des enfants, qui ont eu des enfants...
Et un jour Pierre Saint-Menoux est né, a vécu, a grandi, a rencontré Essaillon, a exploré l’an 100000, a voulu tuer Bonaparte... et a tué son ancêtre...
[...] Non, ce n’est pas un tourbillon de vie et de mort, une succession instantanée et infinie de deux destins contraires. Non, ce n’est pas alternativement que Saint-Menoux existe et qu’il n’existe pas. C’est en même temps. Ses deux destins, ou plutôt son destin et son non-destin sont simultanés. À partir de l’instant où son ancêtre frappé par lui est mort, Saint-Menoux n’existe pas et existe à la fois, car n’existant pas il n’a pas pu tuer, et, de ce fait, il existe et tue.
Être ou ne pas être ? se demandait Hamlet. Être et ne pas être, réplique Saint-Menoux. [...] Pour notre esprit humain, limité, infirme, seul le "ou" d’Hamlet est préhensible. C’est déjà, hélas, bien assez d’angoisse. Le "et" de Saint-Menoux nous fait perdre l’équilibre. Nous sommes à l’extrême bord de notre univers rationnel. Un pas de plus, un mot de plus, et c’est le commencement des abîmes, la logique de l’absurde, et l’évidence démontrée de la possibilité de l’impossible. [...] Aucune métaphore ne peut nous aider. Sa qualité d’être nous est inconnaissable. Seuls pourraient peut-être s’en faire une très vague idée les grands physiciens de notre temps, spécialistes des particules constituantes de l’atome. Car tout ce qu’ils savent de ces particules, tout ce que leur a appris d’elles l’irréfutable logique mathématique, c’est qu’à chaque instant elles ne sont ni quelque part ni ailleurs – ni ici, ni là, ni autre part – ni nulle part ni partout... »
Parmi les "grands physiciens" dont Barjavel parle, on imagine aisément Mortimer !